Le monde des technologies immersives connaît une évolution fulgurante qui transforme radicalement notre façon d'interagir avec le numérique. La réalité virtuelle (RV) et la réalité augmentée (RA) représentent deux approches distinctes mais complémentaires pour créer des expériences qui estompent la frontière entre monde réel et univers numérique. Ces technologies, autrefois cantonnées à la science-fiction, sont désormais accessibles au grand public et aux professionnels dans de nombreux secteurs d'activité. Leurs applications s'étendent bien au-delà du divertissement, révolutionnant des domaines aussi variés que la médecine, l'architecture, l'industrie et l'éducation.
Si ces deux technologies partagent certaines similitudes techniques, elles diffèrent fondamentalement dans leur approche et leurs usages. La réalité virtuelle vous transporte dans un monde entièrement numérique, tandis que la réalité augmentée superpose des éléments virtuels sur votre environnement réel. Cette distinction fondamentale conditionne les dispositifs matériels, les capteurs et les logiciels nécessaires à leur fonctionnement. Face à cette diversité technologique, il devient essentiel de comprendre leurs spécificités pour choisir la solution la plus adaptée à chaque besoin.
Fondements techniques de la réalité augmentée (RA) et réalité virtuelle (RV)
La réalité virtuelle et la réalité augmentée, bien que souvent mentionnées ensemble, reposent sur des principes techniques fondamentalement différents. La RV crée un environnement entièrement artificiel qui remplace totalement le monde réel pour l'utilisateur. Elle nécessite un système d'affichage qui isole visuellement l'utilisateur (généralement un casque) et des capteurs qui suivent ses mouvements pour adapter la perspective en temps réel. Cette immersion complète exige des calculs complexes pour maintenir l'illusion d'un monde cohérent et réagir instantanément aux interactions.
La réalité augmentée, quant à elle, conserve la perception du monde réel tout en y superposant des éléments virtuels. Elle nécessite donc des systèmes capables d'analyser l'environnement physique (via des caméras et autres capteurs) pour y placer correctement des objets numériques. Les défis techniques incluent la reconnaissance précise des surfaces, l'estimation de la luminosité ambiante et le suivi spatial pour ancrer solidement les éléments virtuels dans le monde réel.
Entre ces deux technologies se positionne la réalité mixte (RM), parfois appelée réalité hybride, qui permet aux objets physiques et numériques d'interagir en temps réel. Elle combine les approches de la RA et de la RV, nécessitant à la fois une compréhension fine de l'environnement et la capacité à générer des objets virtuels convaincants qui semblent appartenir au monde réel. Cette approche plus sophistiquée utilise souvent le concept de spatial computing , qui traite l'espace physique comme une interface informatique.
La différence fondamentale entre réalité virtuelle et réalité augmentée réside dans leur rapport au monde physique : la RV vous immerge dans un univers entièrement numérique, tandis que la RA enrichit votre perception du monde réel avec des éléments virtuels contextuels.
Le rendu graphique constitue également un défi majeur pour ces technologies. La RV doit générer l'intégralité de l'environnement visuel avec un niveau de détail suffisant pour maintenir l'illusion, tout en assurant une fluidité d'au moins 90 images par seconde pour éviter les sensations de malaise. La RA, de son côté, doit produire des objets virtuels qui s'intègrent de façon convaincante dans le monde réel, en respectant les lois de la physique, les ombres et la perspective.
Dispositifs matériels et technologies de capteurs
L'expérience immersive proposée par la réalité virtuelle et la réalité augmentée dépend fortement des dispositifs matériels utilisés. Ces technologies nécessitent une combinaison sophistiquée d'écrans haute résolution, de capteurs de mouvement précis et de processeurs puissants pour offrir une expérience convaincante. La qualité de l'immersion est directement liée aux performances de ces composants, qui n'ont cessé d'évoluer au cours des dernières années.
Casques VR haute définition : oculus quest 2, HTC vive pro et PlayStation VR2
Les casques de réalité virtuelle ont connu une évolution spectaculaire, passant de dispositifs encombrants reliés à des ordinateurs surpuissants à des solutions autonomes plus accessibles. L'Oculus Quest 2 (désormais Meta Quest 2) représente cette nouvelle génération avec son approche tout-en-un qui intègre processeur, écrans et batteries. Avec une résolution de 1832×1920 pixels par œil et un taux de rafraîchissement de 90 Hz, il offre une immersion convaincante sans nécessiter d'ordinateur externe.
Le HTC Vive Pro se distingue par sa précision de suivi et sa qualité d'affichage supérieure (2880×1600 pixels combinés), mais nécessite une connexion à un ordinateur puissant. Ce système utilise des stations de base externes ( lighthouses ) pour un suivi ultra-précis des mouvements dans l'espace, particulièrement adapté aux applications professionnelles exigeantes comme la formation médicale ou la conception industrielle.
Quant au PlayStation VR2, il représente l'approche de Sony pour démocratiser la réalité virtuelle auprès des joueurs. Ce casque, exclusivement compatible avec la PlayStation 5, offre une résolution de 2000×2040 pixels par œil et intègre des fonctionnalités avancées comme le retour haptique et le suivi oculaire. Ces caractéristiques permettent des interactions plus naturelles et une immersion renforcée dans les univers virtuels.
Systèmes optiques dans les lunettes AR : microsoft HoloLens 2 et magic leap 2
Les dispositifs de réalité augmentée présentent des défis techniques différents puisqu'ils doivent permettre à l'utilisateur de voir simultanément le monde réel et les éléments virtuels. Microsoft HoloLens 2 utilise un système de guides d'onde holographiques pour projeter des images directement dans le champ de vision de l'utilisateur. Cette approche permet de maintenir la transparence des verres tout en affichant des hologrammes tridimensionnels qui semblent faire partie de l'environnement réel.
Magic Leap 2 adopte une technologie similaire avec son affichage à champ de lumière numérique, qui projette des images à différentes profondeurs focales. Cette innovation permet de résoudre le problème de la convergence-accommodation, rendant les objets virtuels plus naturels et réduisant la fatigue oculaire lors d'utilisations prolongées. Le dispositif se distingue également par sa fonction d'occultation dynamique, qui peut assombrir certaines parties des verres pour améliorer la visibilité des éléments virtuels dans des environnements lumineux.
Ces systèmes optiques sophistiqués représentent un défi de miniaturisation considérable, les fabricants cherchant constamment à réduire le poids et l'encombrement tout en améliorant la qualité d'affichage et le champ de vision. C'est ce compromis entre performances et ergonomie qui détermine largement l'adoption de ces technologies dans des contextes professionnels.
Technologies de suivi spatial : inside-out tracking vs outside-in tracking
Le suivi des mouvements constitue un élément crucial des expériences immersives. Deux approches principales s'affrontent dans ce domaine : le suivi de l'intérieur vers l'extérieur ( inside-out tracking ) et le suivi de l'extérieur vers l'intérieur ( outside-in tracking ). La première utilise des caméras et des capteurs intégrés directement au casque pour analyser l'environnement et déterminer sa position relative. Cette méthode, adoptée par l'Oculus Quest et les HoloLens, offre une grande liberté de mouvement et simplifie considérablement l'installation.
Le suivi outside-in repose sur des capteurs externes placés dans l'environnement qui observent le casque et les contrôleurs. Cette approche, utilisée par le HTC Vive original, offre une précision supérieure mais nécessite une configuration plus complexe et limite la zone d'utilisation. Les systèmes professionnels combinent souvent les deux méthodes pour maximiser la précision tout en préservant la mobilité.
Les technologies SLAM (Simultaneous Localization and Mapping) jouent un rôle crucial dans ces systèmes de suivi. Elles permettent au dispositif d'établir une carte tridimensionnelle de l'environnement tout en localisant sa propre position en temps réel. Ces algorithmes complexes constituent la pierre angulaire des expériences AR/VR mobiles modernes, permettant l'ancrage stable d'objets virtuels dans le monde réel.
Comparaison des capteurs haptiques et leurs applications pratiques
L'immersion ne se limite pas à la vue et à l'ouïe ; le toucher joue également un rôle fondamental dans notre perception de la réalité. Les technologies haptiques visent à reproduire les sensations tactiles pour renforcer l'impression de présence dans les environnements virtuels. Les contrôleurs actuels intègrent des moteurs à vibration linéaire (LRA) ou des actionneurs à effet de masse rotative (ERM) capables de générer des retours tactiles basiques.
Des solutions plus avancées comme les gants haptiques de HaptX utilisent des microfluidiques pour simuler la pression, la texture et même la température des objets virtuels. Ces dispositifs, encore coûteux et encombrants, trouvent principalement des applications dans la formation professionnelle, notamment pour la simulation chirurgicale où la précision du retour tactile est cruciale.
Technologie haptique | Principe de fonctionnement | Applications typiques | Limitations actuelles |
---|---|---|---|
Vibration simple (ERM/LRA) | Moteurs vibrants dans les contrôleurs | Jeux VR grand public, alertes | Sensations peu réalistes, binaires |
Retour de force | Moteurs et mécanismes opposant une résistance | Simulation industrielle, entraînement | Dispositifs volumineux, mobilité limitée |
Microfluidique | Canaux liquides contrôlés qui simulent la pression | Chirurgie virtuelle, design tactile | Coût élevé, infrastructure complexe |
Ultrasons focalisés | Ondes sonores créant des points de pression dans l'air | Interfaces sans contact, hologrammes tactiles | Faible intensité, zone d'effet restreinte |
Pour les applications grand public, des solutions comme les bracelets haptiques d'Actronika ou les vestes à retour de force de bHaptics tentent de démocratiser ces sensations en fournissant des retours tactiles distribués sur le corps. Ces technologies trouvent un écho particulier dans les expériences de divertissement immersif où elles renforcent considérablement le sentiment de présence.
Applications industrielles et professionnelles
Au-delà du divertissement, la réalité virtuelle et augmentée transforme profondément de nombreux secteurs professionnels. Ces technologies offrent des solutions innovantes pour la formation, la conception, la maintenance et la collaboration à distance. Leur adoption s'accélère dans l'industrie, portée par des retours sur investissement tangibles en termes de réduction des coûts, d'amélioration de la sécurité et d'optimisation des processus.
Formation médicale par simulation VR et chirurgie assistée par AR
Le domaine médical a rapidement saisi le potentiel des technologies immersives. La formation chirurgicale en réalité virtuelle permet aux étudiants de s'exercer sur des patients virtuels sans risque, reproduisant fidèlement l'anatomie et les réactions physiologiques. Des plateformes comme FundamentalVR proposent des simulations haptiques qui reproduisent la résistance des tissus, permettant d'acquérir des compétences techniques dans un environnement sécurisé et contrôlé.
La réalité augmentée trouve sa place directement au bloc opératoire, où elle permet de superposer des informations cruciales dans le champ de vision du chirurgien. Des systèmes comme ceux développés par Medivis projettent des modèles 3D issus d'imageries médicales (scanner, IRM) directement sur le patient pendant l'opération. Cette visualisation en temps réel améliore la précision des gestes chirurgicaux et réduit les risques d'erreur, particulièrement lors d'interventions complexes.
Ces technologies permettent également la télé-assistance médicale, où un spécialiste peut guider à distance un praticien moins expérimenté en annotant son champ de vision en réalité augmentée. Cette application s'avère particulièrement précieuse dans les zones isolées ou pour la formation continue des professionnels de santé.
Conception architecturale et visualisation BIM en réalité mixte
L'architecture et la construction connaissent une révolution numérique grâce à l'intégration de la réalité mixte dans les processus de conception et de visualisation. La modélisation des informations du bâtiment (BIM) combinée à la RM permet aux architectes et clients de visualiser des projets à taille réelle avant même le premier coup de pioche, transformant radicalement le processus de conception et de validation.
Des solutions comme Trimble Connect for HoloLens permettent aux équipes de terrain de visualiser les modèles BIM superposés aux structures existantes, identifiant immédiatement les écarts entre plans et réalité. Cette détection précoce des conflits potentiels réduit considérablement les erreurs coûteuses découvertes traditionnellement en phase de construction. La possibilité de parcourir virtuellement un bâtiment en cours de conception facilite également la communication avec les clients et les parties prenantes non techniques.
La réalité virtuelle complète ces outils en permettant des revues de conception immersives où les équipes
peuvent explorer virtuellement des espaces complexes, testant ergonomie, circulation et aspects esthétiques avant finalisation des plans. Des plateformes comme Enscape ou Twinmotion permettent de générer des visualisations photoréalistes en temps réel, transformant les maquettes BIM en expériences sensorielles complètes qui facilitent les décisions de conception.
Maintenance industrielle guidée par AR chez airbus et renault
Dans le secteur industriel, la réalité augmentée révolutionne les processus de maintenance et d'assemblage. Airbus figure parmi les pionniers avec son système Smart Augmented Reality Tool (SART), qui guide les techniciens à travers des procédures complexes d'assemblage d'aéronefs. Les lunettes AR projettent des instructions visuelles directement sur les composants à assembler, réduisant le temps de formation de 60% et diminuant les erreurs d'assemblage de près de 40%.
Renault utilise également la réalité augmentée dans ses usines pour optimiser les processus de contrôle qualité. Les opérateurs équipés de tablettes ou de lunettes AR peuvent visualiser instantanément les points de vérification critiques sur les véhicules en cours d'assemblage. Le système superpose des indicateurs visuels qui signalent les zones nécessitant une attention particulière et fournit des procédures détaillées pour résoudre les anomalies détectées. Cette approche a permis de réduire le temps de contrôle qualité de 30% tout en améliorant la précision des inspections.
Ces solutions AR s'intègrent désormais aux systèmes de gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO), créant un flux de travail continu où les techniciens reçoivent des instructions contextuelles en temps réel. Les opérateurs peuvent également documenter les interventions via capture d'images annotées ou enregistrements vidéo, enrichissant progressivement la base de connaissances de l'entreprise et facilitant la formation des nouveaux collaborateurs.
Téléprésence et collaboration virtuelle via plateformes comme spatial et MeetinVR
La pandémie mondiale a accéléré l'adoption des technologies de collaboration virtuelle, poussant les entreprises à explorer des alternatives aux vidéoconférences traditionnelles. Les plateformes de téléprésence comme Spatial transforment les réunions à distance en créant des espaces virtuels partagés où les participants apparaissent sous forme d'avatars personnalisés. Ces environnements permettent d'interagir avec des documents, prototypes 3D et tableaux blancs virtuels de manière intuitive, comme si tous les collaborateurs étaient physiquement présents dans la même pièce.
MeetinVR pousse ce concept encore plus loin en proposant des espaces de travail immersifs optimisés pour différents types de collaboration. Les participants peuvent manipuler ensemble des objets virtuels, annoter des documents flottants dans l'espace ou organiser des sessions de brainstorming avec des outils spécialement conçus pour la pensée spatiale. Les études menées par la plateforme montrent une amélioration de 25% de la rétention d'information et une réduction de 20% du temps nécessaire à la prise de décision par rapport aux réunions vidéo classiques.
Ces solutions de collaboration virtuelle s'intègrent progressivement aux écosystèmes professionnels existants via des connecteurs avec Microsoft Teams, Slack ou Google Workspace. Cette convergence entre outils traditionnels et espaces immersifs crée un continuum de collaboration qui s'adapte à la nature des interactions, des échanges rapides aux sessions créatives nécessitant une présence partagée plus engageante.
Expériences immersives et divertissement
Si les applications professionnelles constituent un marché en pleine expansion pour la réalité virtuelle et augmentée, c'est dans le domaine du divertissement que ces technologies ont d'abord conquis le grand public. Du jeu vidéo aux expériences culturelles en passant par les réseaux sociaux, les applications ludiques continuent de repousser les limites créatives et techniques de l'immersion numérique, tout en démocratisant progressivement ces nouvelles formes d'interaction.
Jeux VR immersifs : Half-Life: alyx et beat saber
Half-Life: Alyx représente une étape majeure dans l'évolution des jeux en réalité virtuelle. Développé par Valve, ce titre exploite pleinement les capacités des casques modernes pour offrir une expérience narrative immersive d'une qualité sans précédent. Le jeu redéfinit les interactions en VR avec un système de manipulation d'objets naturel et intuitif qui permet de saisir, lancer, et manipuler les éléments du monde virtuel avec une précision remarquable. Cette mécanique de "présence manuelle" crée un sentiment d'incarnation puissant qui transforme l'exploration de City 17 en une expérience viscérale et mémorable.
À l'opposé de cette approche narrative et contemplative, Beat Saber illustre parfaitement le potentiel ludique de la VR avec son concept simple mais addictif : trancher des blocs au rythme de la musique avec des sabres virtuels. Ce jeu développé par Beat Games (désormais propriété de Meta) a dépassé les quatre millions d'exemplaires vendus, devenant ainsi le titre VR le plus populaire à ce jour. Son succès repose sur une combinaison parfaite entre accessibilité immédiate et profondeur de gameplay qui récompense la pratique et la maîtrise, tout en offrant un exercice physique modéré particulièrement satisfaisant.
Ces deux approches complémentaires du jeu en réalité virtuelle – l'immersion narrative complexe et l'arcade physique intuitive – illustrent la diversité créative que permet cette technologie. Elles montrent également comment la VR peut créer des expériences fondamentalement impossibles dans d'autres médiums, en proposant une incarnation physique directe plutôt qu'une simple représentation à distance du joueur.
Applications AR mobiles : pokémon GO et snapchat lenses
La réalité augmentée sur mobile a connu un tournant majeur avec le lancement de Pokémon GO en 2016. Ce phénomène planétaire développé par Niantic a introduit des millions d'utilisateurs aux concepts de la RA en superposant des créatures virtuelles dans l'environnement réel capté par la caméra du smartphone. Au-delà de son succès commercial (plus de 6 milliards de dollars de revenus à ce jour), ce jeu a transformé des espaces urbains ordinaires en terrains d'aventure, encourageant l'exploration physique et créant spontanément des communautés locales autour d'objectifs partagés dans l'espace augmenté.
Les filtres et lentilles Snapchat représentent une autre application massive de la réalité augmentée au quotidien. Ces effets visuels qui transforment visages et environnements sont utilisés quotidiennement par plus de 250 millions d'utilisateurs. L'entreprise a progressivement enrichi sa plateforme Lens Studio pour permettre aux créateurs de développer des expériences AR sophistiquées incluant reconnaissance faciale avancée, tracking corporel et interactions avec l'environnement. Cette démocratisation des outils de création AR a donné naissance à un écosystème vibrant où marques, artistes et amateurs explorent de nouvelles formes d'expression visuelle augmentée.
Ces applications grand public ont considérablement accéléré l'adoption de la réalité augmentée en l'intégrant aux pratiques numériques quotidiennes, sans nécessiter d'équipement spécialisé. Elles illustrent comment la RA peut enrichir les interactions sociales, transformer temporairement l'apparence des lieux familiers et créer des expériences ludiques ancrées dans le monde physique plutôt que de chercher à s'en échapper.
Musées virtuels et expériences patrimoniales en RA/RV
Le secteur culturel s'est rapidement saisi des technologies immersives pour réinventer l'expérience muséale et patrimoniale. Le Louvre propose désormais des visites en réalité virtuelle qui permettent d'explorer ses collections emblématiques depuis n'importe où dans le monde, avec des niveaux de détail parfois supérieurs à ce qu'une visite physique permettrait. L'application "Mona Lisa: Beyond the Glass" offre par exemple une analyse approfondie du célèbre tableau, permettant d'observer des détails microscopiques et de comprendre les techniques picturales à travers des animations pédagogiques en trois dimensions.
La réalité augmentée transforme également l'expérience des visiteurs physiques dans de nombreux sites historiques. À Pompéi, l'application AR "Pompeii Touch" restitue virtuellement les bâtiments dans leur état d'origine lorsque les visiteurs pointent leur smartphone vers les ruines actuelles. Cette superposition temporelle offre une compréhension immédiate de l'architecture antique et de la vie quotidienne à l'époque romaine, enrichissant considérablement la visite par cette contextualisation visuelle instantanée.
Ces technologies permettent également de préserver et diffuser des patrimoines immatériels menacés. Le projet "Intangible Heritage Experience" utilise la réalité virtuelle pour documenter et transmettre des rituels, danses et savoir-faire traditionnels du monde entier. En plaçant les utilisateurs au cœur de ces pratiques culturelles, ces expériences immersives favorisent une compréhension empathique qui dépasse la simple observation documentaire, créant un nouveau mode de transmission culturelle particulièrement efficace pour les jeunes générations.
Considérations techniques et limites actuelles
Malgré leurs avancées impressionnantes, les technologies immersives font face à plusieurs défis techniques qui limitent encore leur adoption massive. Ces contraintes, qui touchent tant les dispositifs que les expériences elles-mêmes, constituent les principaux axes d'innovation pour les acteurs du secteur. Leur résolution progressive ouvre la voie à des usages plus naturels et accessibles de la réalité virtuelle et augmentée.
Problématiques de latence et cinétose en VR
La cinétose en réalité virtuelle (communément appelée "motion sickness") reste l'un des obstacles majeurs à l'adoption grand public de cette technologie. Ce phénomène de malaise, pouvant aller de légers vertiges à des nausées prononcées, survient lorsque le cerveau détecte une discordance entre les informations visuelles reçues dans le casque et les sensations vestibulaires du corps immobile. La latence, ou délai entre un mouvement physique et son affichage dans le monde virtuel, constitue l'un des principaux facteurs aggravants de ce problème.
Les fabricants ont considérablement réduit cette latence, passant de plus de 20 millisecondes sur les premiers modèles à moins de 5 millisecondes sur les dispositifs haut de gamme actuels. Cette amélioration, associée à des taux de rafraîchissement atteignant désormais 120 Hz, atténue significativement les risques de malaise pour la majorité des utilisateurs. Cependant, la sensibilité à la cinétose varie considérablement d'un individu à l'autre, certaines personnes restant particulièrement vulnérables malgré ces avancées techniques.
Les développeurs ont également élaboré diverses techniques de design pour minimiser ce problème, comme l'utilisation de la téléportation plutôt que du déplacement continu, l'ajout de références visuelles fixes (comme un "cockpit virtuel"), ou l'implémentation de transitions progressives entre les scènes. Ces compromis entre immersion totale et confort physiologique restent nécessaires dans la plupart des expériences VR grand public actuelles.
Contraintes d'affichage AR en environnements extérieurs
La réalité augmentée en extérieur se heurte à des défis environnementaux considérables qui limitent son efficacité. La luminosité ambiante constitue l'obstacle le plus évident : les écrans transparents des lunettes AR peinent à projeter des images suffisamment lumineuses pour rester visibles en plein soleil. Cette contrainte fondamentale explique pourquoi la plupart des applications professionnelles de l'AR se concentrent aujourd'hui sur des environnements intérieurs aux conditions lumineuses contrôlées.
Les variations rapides de luminosité lors des déplacements (passage de l'ombre au soleil, entrée dans un bâtiment) posent également des défis d'adaptation complexes pour les capteurs et les algorithmes d'affichage. Les dispositifs actuels comme les HoloLens 2 intègrent des capteurs de luminosité ambiante qui ajustent dynamiquement la puissance de projection, mais ces systèmes restent imparfaits dans des conditions d'éclairage très contrastées ou changeantes.
Le positionnement précis des éléments virtuels en extérieur représente un autre défi majeur. Si le GPS fournit une localisation approximative, sa précision de plusieurs mètres s'avère insuffisante pour ancrer solidement des objets virtuels dans l'environnement réel. Des solutions comme le Visual Positioning System (VPS) de Google combinent reconnaissance visuelle et données cartographiques pour améliorer cette précision, mais nécessitent une cartographie préalable détaillée des lieux qui limite encore leur déploiement à grande échelle.
Défis d'autonomie énergétique des appareils portables
La consommation énergétique représente un défi critique pour les dispositifs immersifs portables. Les casques VR autonomes comme l'Oculus Quest 2 offrent généralement entre 2 et 3 heures d'utilisation continue, une autonomie insuffisante pour de nombreux scénarios professionnels qui nécessitent des sessions de travail prolongées. Cette limitation provient des contraintes physiques imposées par le poids et l'équilibre du casque, qui limitent la capacité des batteries intégrables.
Les lunettes AR font face à un compromis encore plus délicat entre autonomie, poids et performances. Les Microsoft HoloLens 2, malgré leur forme relativement compacte, n'offrent que 2 à 3 heures d'utilisation active. Cette contrainte s'explique par les besoins combinés du traitement informatique embarqué, de l'affichage lumineux et des multiples capteurs environnementaux. L'approche de Magic Leap, qui déporte une partie du traitement dans un boîtier distinct relié par câble, permet d'améliorer l'autonomie au prix d'une mobilité réduite.
Les fabricants explorent plusieurs pistes pour surmonter ces limitations, comme l'optimisation des puces dédiées à la réalité mixte, les batteries à haute densité énergétique, ou les solutions hybrides qui transfèrent dynamiquement certains calculs vers le cloud lorsqu'une connexion suffisante est disponible. L'équilibre optimal entre performances, autonomie et confort reste l'un des principaux défis à résoudre avant d'envisager un usage quotidien prolongé de ces technologies.